Un unel.
(L’alarme sonne au barbarisme ! Je me dis que le mot barbarisme en est un lui-même, de barbare du mot, alors qu’il aille au diable et qu’il ne me coupe à l’annonce de mon sujet si porc-lémique)
Mais non, un unel, c’est un duel entre moi et moi-même.
Allez savoir qui veut quoi, mais ils s’affrontent, ces effrontés, juste derrière l’immense terrain vague qu’est mon front. Ainsi front front front, les petiiiiteuuu marionettes (de Peggy la Cochonne)
Ils se font front sur un sujet particulier, vous l’aurez titrement deviné : LA GRIPPE PORCINE.
Oui Mesdames, oui mesdemoiselles, oui messieurs.
Suis-je victime d’une Psychose généralisée ou d’un danger réel ? Victime d’une psychose familiale, ou mariée malgré moi au grand manitou Justin bridou ? Etablie ou abattue?
Pourquoi est ce que les hommes en France portent si peu la moustache, et pourquoi on joue de l’accordéon et pas de la guitare ? OU SUIS-JE ? JE SUIS EN France ?!!
Miseriporc ! Moi qui ne devais rentrer qu’en août, me voilà plongée dans le doute comme un paté dans sa croute.
Avant de me poser les vraies questions, il faut regarder les faits. Non ! Pas les vrais faits réels comme on peut les lire sur les rapports de l’OMS (puisqu’on peut les lire sur les rapports de l’OMS). Non...
Dans quels termes, temps, températures et intempéries mon environnement a perdu 15 degrés sans que, MOI, je n’en prenne un seul.
Un peu d’histoire : Le Vendredi 24 avril dernier, Eléonore Hamelin se lève à Mexico D.F
(Tous ceux qui pensent que le 24 avril dernier ne fait pas encore partie de l’Histoire, et de surcroit, que le réveil royal d’Eléonore Hamelin non plus, sont priés de bien vouloir quitter la Salle… (De bain))
Ce réveil n’est pas un réveil comme les autres. Déjà, il faut préciser que nous vivons non plus à deux dans notre appartement, mais bien à 4, depuis que nous avons recueilli Claire (ancienne copine d’aventure du premier semestre à Mexico) et Astrid qui l’accompagne.
En soit cela ne devrait rien changer, mais en temps d’épidémie, c’est toujours la multiplication par deux de la trouille, des rires, et des précautions à prendre, puis la multiplication par deux encore du nombre de parents, de leur trouille, de leurs recommandations… J’y viens.
Vendredi matin, donc, quatre jeunes femmes se réveillent. Elles petit déjeunent. (Pourquoi ai-je le sentiment d’avoir inventé un verbe ?), et le processus matinal est enclenché, entre les douches, les cafés, …
C’EST PARTI !!
Une « camarade de classe » d’Agathe l’appelle pour la prévenir qu’elles n’auront pas cours ce Vendredi 24 avril. Elle reste un peu vague, il paraitrait que les facs aient été fermées à cause d’une certaine épidémie de grippe. Agathe, qui est malade depuis 48h rigole tellement jaune qu’elle ne rigole pas.
Un rapide diagnostic est établit par les trois autres : tu as mal au ventre, tu ne peux pas avoir la grippe ! Et puis tu n’as pas de fièvre ! Et puis…
Et voilà comment, à court d’argument, nous nous jetâmes toutes sur nos ordinateurs portables respectifs. On put y lire quelques articles sur le sujet, dans la presse mexicaine surtout, ou dans les sites de médecine spécialisée.
Et dans nos boites mails, un petit mot de la fac « Sous ordre du ministère de la santé vous n’aurez pas cours aujourd’hui, nous vous contacterons dès que nous aurons de plus amples informations ».
Premièrement Agathe n’a pas un seul symptôme de cette grippe, et l’affaire est close.
Deuxièmement, je brandis mes dix doigts (que j’ai toujours à portée de mains, évidemment), pour écrire à « lepetitjournal.com ».
(Comme la plupart d’entre vous ne le savent pas, je précise en quelques mots que je suis à présent pigiste pour ce site internet - une publication pour les expatriés et les francophones à l’étranger - et ma première réunion avait eu lieu à peine quelques jours auparavant, avec toute l’équipe).
Je propose donc au « rédacteur en chef » d’écrire un article sur ce sujet ; très certainement important puisque les autorités ont fermé toutes les universités et écoles de la ville et de l’Estado de Mexico… J’ai une réponse qui m’accorde de traiter le sujet, et je vogue donc gaiement sur Internet pour me renseigner.
Fin de matinée : pas grand-chose à dire, la presse mexicaine rapporte les propos du Ministre de la Santé, José Angel Cordova Villalobos, la veille. A l’international, toujours rien.
Et puis, à force de chercher, un site canadien évoque une décision de l’OMS, un petit article circulait sur le monde, et puis la première page de la rubrique Santé du Figaro, la Une du Monde.fr, deux sites sur lesquels je joue de ma touche F5 (Refresh !) mais la tendance est la même partout, on en parle, un peu partout, plus ici, encore plus là-bas, de plus en plus, TOUJOURS PLUS ! Tout le monde s’en mêle à 15h.
Vendredi 24 avril, 17h, j’ai mon article.
Mais les consignes de lepetitjournal.com sont claires : un article vient TOUJOURS avec une photo. Bon.
Dans l’espoir que mon père lise suffisamment rapidement mes récits pour qu’il ne s’intéresse pas à cette phrase précise : j’ai alors bravé MACHIN N1 en descendant dans la rue avec mon appareil photo. En réalité, à ce moment très précis, j’avais plus peur de me faire voler mon appareil numérique que de me transformer en victime porcine.
Mais lire tant d’article m’était aussi bien monté à la tête, alors, dans le bus, je regardais avec des yeux comme des carabines les gens qui s’approchaient trop de moi et respirait dans mon écharpe. (Tout bon détective saura qu’avec les 35 degrés mexicains d’un mois d’avril je ne respirais certainement pas dans une écharpe, d’autant que dans les bus non climatisés, on prend encore quelques degrés en bonus) (Mais encore une fois j’essaye de fuir les représailles paternelles, vous comprendrez bientôt pourquoi).
Je respirais donc dans une écharpe imaginaire et m’approchais de la Glorieta de l’arrêt de métro Insurgentes, pas très loin de chez moi, pour trouver un amas de personnes au repos, comme il y en a souvent ici.
Je prends mes photos à la vue de quelques masques bleus, pas très belles, mais certainement satisfaisantes. J’en trouverais bien d’autre sur le court chemin du retour.
Je retrouve Claire et Astrid, nous allons acheter des places de concert pour le lendemain. Le Pasaje America, où nous prévoyons d’aller, organise souvent des soirées avec de très bons DJ. L’endroit à la double qualité d’être, comme son quartier, anciennement chic et nouvellement dépravé. C’est le Centre historique mexicain, superbe, mais gâché, tordu, grouillant de monde et de soleil le jour, et grouillant de monde et de rock’n’roll la nuit.
Un coup de fil plus tard, on apprend que le festival est annulé, cause : épidemie.
« On reste à la maison ce soir ? » et puis « Tu crois que c’est vraiment grave ? »
Un autre coup de fil plus tard : « Tu ne sais pas quoi, tu sais ce mec français, le blond, il est rappatrié en France ! » Eclat de rire général.
… je mets suffisamment de temps pour que les deux autres survivantes de la pièce s’endorment – décalage horaire oblige- et que je me retrouve complètement seule dans le noir du salon – car l’ampoule a sauté et que personne n’est assez grand pour la changer…Quand bien même ca serait le cas, nous n’avons jamais racheté d’ampoule- .
Me voilà donc seule, dans le noir du salon, comme un cochon épris d’insomnie dans son étable.
Le lendemain, le samedi 25 avril 2009, les quatre porcassons émergent tous dans leur étable… Même scénario.Dans la journée, sans même que nous sortions de l’appartement, tout va se BOUSCULER et l’étable se transformera en ABATTOIR.
« Bon. Moi j’ai appelé Monsieur G. alors tu vas l’appeler tout de suite, et il t’expliquera. Ensuite tu appelleras AIR France et tu déplaceras ton billet à … ce soir c’est possible ? Non, c’est trop tard, tu ne l’auras pas… bon, DEMAIN, tu déplace ton billet à DEMAIN »
Un cochon passe.
Ma première réaction est de laisser ma mâchoire tomber et mes sourcils s’envoler, créant un équilibre facial certes tenable mais pas nécessairement charmant. « ca alors… ».
Voilà comment j’ai quitté ma charmante étable pour l’abbatoir.
J’ai fais mes valises, ai appelé Porco Maltese, harcelé un beau militaire mexicain pour qu’il me donne 4 masques bleu au lieu de trois… et le 26 avril 2009 j’étais en train de quémander mon billet au guichet d’Air France à une espèce de Poule de luxe (qui n’avais manifestement pas compris qu’elle et ses charmes aviaires étaient passés de mode).
Oink.
Le 27 avril, à minuit, j’étais dans l’avion et je n’arrivais pas à dormir. Au travers du hublot il y avait un superbe paysage de la cote Nord-Est des Etats-Unis. A ma droite, deux personnes essayaient d’avoir une conversation au travers de leurs masques sanitaires.
Les moments les plus drôles -et pathétiques- furent probablement les 3 services de plateau repas. Entre ceux qui enlevaient leur masque, effrayant le voisin blotti contre le hublot prêt à sauter en chute libre en cas d’éternuement ; et ceux qui ne l’enlevaient pas, et qui auraient probablement aimé avoir une de ces bavettes que nous avons tous eu étant enfant, pour pouvoir se cracher allègrement leur blanquette de veau sur leur nouvelle chemise blanche.
Oink.
Le 27 avril, j’ai aussi eu 20 ans. Triste sort.
… MADEMOISELLE HAMELIN EST PRIEE DE BIEN VOULOIR SE PRESENTER A LA DESCENTE DE L’AVION ».
Un cochon déguisé en Superman. Beau tableau. Tout ca pour pouvoir passer la frontière de la gastronomie et aller se TRIPER, prendre son PIED DE PORC tranquille au pays de Justin Bridou.
Mais diable bleu à queue de cochon ! Pourquoi m’appellent-ils ?
Je reste dans ma super combinaison sans bouger. Ce n’est pas comme si on pouvait bouger dans la bétaillère de toute façon. Oink.
Et puis un monsieur avec une barbe blanche s’approche de moi et me secoue le bras. Je lève le masque bleu des yeux et lui donne un coup de sourcil « QU’ESTUVEUX ? Transmets-je en langage des signes »
« - Vous êtes Mademoiselle Hamelin ?
- Oui
- Vous allez bien ?
- … oui ( ?) »
Mon sang ne fait qu’un tour de boudin.
Le capitaine ressemble au vieux capitaine du film Titanic.
- On vous attend à la sortie de l’avion. »
Triple cochonnaille. Ils vont me mettre en quarantaine ?
MAIS POURQUOI MOI ?
Oink. La tête coupée, une pomme dans la bouche et du persil dans les oreilles.
On atterrit. Tout le monde sort de l’étable… moi ? Non pas moi. Moi je ramasse mes affaires, je regarde sous le siège 8 fois si je n’ai pas fait tomber mon tire bouchon, si je n’ai pas oublié mon livre cochon ou ma veste NAFNAF dans le compartiment à bagage.
Tiens, plus l’ombre d’un cochon dans l’avion. Pour la troisième fois, on appelle cette mystérieuse « Mademoiselle HAMELIN » « priée de bien vouloir se présenter à sa descente de l’avion »
NON ! NON ! OOOOOOINK !
Dans ma tête j’entends le cri de la truie qu’on égorge.
J’y suis allé en trainant des sabots.
Et puis…. Bah ? Pas de tablier asymétrique, pas de torchon vichy rouge sur l’épaule, pas de gros couteau de BOUCHER. Non.
Uniquement d’aimable personne déguisés en hautesse de l’air et stewards…
Si aimables d’ailleurs qu’ils me firent sécher la file d’attente et m’amenèrent à ma correspondance en voiture, tout en me faisant aimablement la conversation.
On veut m’attendrir ?
Et puis nous passons la douane, et (enfin) le douanier me regarde aimablement (oui, oui, oui, c’est bien vrai, aimablement. LE DOUANIER ! OUI !) et me dis « Joyeux Anniversaire Mademoiselle ».
Oooooooh !
Je fonds.
Les gentils et aimables gens d’Air France en profitent pour me souhaiter également un joyeux lard-niversaire et m’amènent au Salon Air France (ouaaah, ils ont sans doute des échelles dans ce salon, toutes les ampoules fonctionnent) avec un sourire plein de dents blanches. On me propose même un bain de boue et un casse-croûte.
OinkOink !
Après une petite correspondance entre Paris et Lyon, je récupère ma maigre valise. Je passe devant une feuille A4, où il y a écrit en petit caractère et en noir et blanc « si vous arrivez d’un pays touché par la grippe porcine, soyez attentif à votre état de santé et s’il le faut, contaminez (ou était-ce CONSULTEZ ?) Un vétérinaire (ou un médecin) »
Les portes glissantes me laissent m’échapper. A MOI LA VIE AU PARADIS DU SAUCISSON et du tablier de sapeur ! En tout clandestinité, bien sûr...
Et pourtant, je retrouve mon Porco Maltese avec fougue… il a, comme moi, mit sa belle chemise rouge vichy, comme si nous avions revêtus nos tenues de pique-nique, et nous sommes repartis contaminer le restant de la ville cote à cote de porc.
(jusqu’à ce que le loup n’attrape le premier petit cochon, autant dire que Papa souffle sur mon bonheur tout de paille construit, me mette un masque pince-nez –de cochon- sur le visage, un thermometre sur la table de nuit et un pot de gel desinfectant pour les mains dans la poche. « NE TOUCHE PAS AU TELEPHONE MALHEUREUSE ! » C'est vrai quoi, on n'a pas elevé les cochons ensembles, boudin!
Psychose générale et tripes de porc, nous toussons, vous toussez, moi je ne tousse pas le moins du moinde, joyeux anniversaire, ma jolie, ouvre la bouche, hop, une pomme rouge et du persil, ON SE PAYE TA TETE SUR UN LIT DE LAITUE.
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